DOSSIER: BONHEUR & SOLITUDE
Un temps de solitude ?
Par Sylviane HANCQ
Il y a quelques jours je suis allée rendre visite à une amie nonagénaire qui réside au sein d’une maison de retraite dans notre village. Lors de notre conversation, elle m’a fait part avec beaucoup de retenue de son sentiment de solitude, d’être parfois considérée comme un objet. C’est une personne très réservée, pudique dans ses sentiments, qui ne se lie pas facilement et reste prudente sur ses dires.
Je l’ai laissée au terme de notre rencontre et suis rentrée chez moi habitée par une certaine tristesse. Je me suis alors souvenue que ma fille Sylvie, passionnée par l’écriture, avait passé un semestre à rencontrer des personnes âgées vivant dans cette maison de retraite. Elle avait souhaité recueillir les souvenirs de celles et ceux qui s’étaient prêtés au jeu, et elle avait ensuite publié ses entretiens sous le titre « Mémoires de Mariemont ». J’ai relu ces témoignages. Ils m’ont montré la diversité des réactions et des caractères face à une démarche à priori solidaire et tournée vers le devoir de mémoire vis-à-vis de nos aînés. Partager les souvenirs, raconter le passé, se remémorer son parcours de vie sont pour beaucoup synonymes de joie et/ou de douce mélancolie…
Recréer du lien social avec les autres résidents est source de bonheur pour beaucoup. Ma fille Sylvie avait été étonnée du dynamisme de certaines personnes, malgré des handicaps lourds, car elles continuaient à avoir une vision volontairement optimiste, se tenaient au courant de l’évolution du monde et de la politique de notre pays. L’évocation, avec des visiteurs amis de passage, du passé de notre localité, des changements survenus au cours des années, représentait également une forme de bonheur : retour aux sources, à l’enfance vécue, à l’école d’autrefois, aux petits commerces disparus aujourd’hui… nostalgie du passé. Elle a réalisé que rester heureux est un choix et que la solitude n’est pas une fatalité.
A ma grande surprise, ce temps d’échange avait étonné et ravi Sylvie. Elle avait trouvé dans ces rencontres un partage de souvenirs, de photos qui représentaient toute une vie et dont l’évocation apportait un profond bonheur de part et d’autre. Je la remercie pour cet éclairage qui m’a donné une vision plus positive, plus nuancée du grand âge vécu dans nos maisons de retraite.
