DOSSIER: Bonheur et résilience

Être heureux en prison, est-ce possible ?
Par Élisabeth PAQUE-ROUSSEAUX, (membre de la Commission de Surveillance de la Prison de Lantin)
Être privé de liberté correspond à la sanction pénale la plus difficile à supporter !
Que de détresse sur les visages des « entrants » !
Et la peur aussi : c’est un monde vraiment à part, terriblement angoissant !
Ils doivent découvrir le règlement carcéral « officiel » mais aussi les pratiques occultes des préaux et des différents mouvements internes : la loi du plus fort, du plus influent, les trafics en tout genre (cigarettes, drogues…). Il faut subir les brimades des codétenus et même de certains agents pénitentiaires ! La violence sous toutes ses formes est omniprésente…
C’est bien difficile de s’adapter ! Alors ils nient souvent les faits qui leur sont reprochés… ou les minimisent. C’est la révolte qui gronde en eux : « Je n’ai rien fait ! c‘est un autre… » A les entendre, que d’erreurs judiciaires !!!
Cependant, parfois un sourire : la visite de l’épouse s’annonce ! « Pourvu qu’elle vienne ! Il y a si longtemps que je l’ai plus vue... » Et puis, patatras : « Je n’ai pas été appelé, elle n’est pas venue. Grève des bus ? Ou elle ne veut plus me voir ? »
Ce n’est pas étonnant que les tentatives de suicide soient fréquentes ! Et quand ils y échappent, c’est la cellule nue (le cachot) directement ! Car les agents ont pour mission de maintenir les détenus en vie… Peu importe comment !
Trop peu de choses sont mises en place pour accompagner ces hommes à la dérive… Juste de temps en temps, une bouée de sauvetage : un aumônier, un visiteur, un agent compréhensif… Le sourire revient alors timidement…. Plus franchement si le regret de l’acte délictuel posé débouche sur l’envie d’en sortir et… de sortir de là au plus vite !
Il faut alors suivre la procédure longue et difficile de l’admission aux permissions de sortie, aux congés pénitentiaires et pendant ce temps, ravaler sa colère, faire bonne figure, éviter les embrouilles…
Le sourire s’affirme quand la sortie est proche ! Mais une autre peur s’insinue : « Vais-je pouvoir me réadapter à la liberté ? » « J’ai perdu mon travail et ma famille m’a renié… Mais je vais retrouver mes potes et ils vont m’aider ! »
La liberté après la prison est souvent un leurre ! Tout a changé et c’est encore plus difficile de s’intégrer avec un casier judiciaire ! Souvent, les anciens travers refont surface : pas le choix de faire autrement malgré les bonnes résolutions !
Les récidives sont fréquentes, et tout recommence !
Mais j’ose espérer que les sourires rencontrés soient des petites étincelles de bonheur qui embrasent le parcours de ces hommes aux parcours tellement chaotiques…
En tout cas, c’est certain, ils donnent confiance à ceux et celles qui tentent de les aider !