DOSSIER: Bonheur et résilience

Cultiver la joie ?

Par Sabine VARGA

Je m’appelle Sabine. Je suis née fracturée de partout ou presque, car je souffre de la maladie des os de verre. C’est une maladie orpheline qui fragilise les os et tous les tissus conjonctifs. Concrètement, le moindre choc, parfois un simple éternuement, provoquent chez moi une fracture… J’ai passé une bonne partie de mon enfance à l’hôpital. Je suis de très petite taille et je me déplace en fauteuil roulant. Pourtant, j’aime ma vie. J’ai fait des études, travaillé, je me suis mariée, j’ai aujourd’hui des petits-enfants…

La veille de mes quarante ans, alors que je commençais à beaucoup souffrir de douleurs chroniques dues aux plus de deux cents fractures que j’ai subies, deux de mes spécialistes en médecine m’ont dit qu’ils ne pouvaient plus rien pour moi. Que, vu la gravité de mon état, j’étais un peu devenue la « Jeanne Calment » de leur patientèle. Moralement, ce fut un choc. Pour ne rien arranger, en 2013 et 2014, j’ai fait deux chutes qui m’ont provoqué de multiples fractures, une hémorragie cérébrale et des arrêts cardiaques.

Pourtant, j’ai survécu.

Aujourd’hui, j’ai plus de cinquante ans et les personnes qui me côtoient me trouvent « toujours souriante ». On me dit que je suis une résiliente. Peut-être. Mais je peux témoigner que ce n’est pas arrivé comme un plat tout préparé. Ce fut et cela reste un travail quotidien, car c’est un choix de départ : J’ai délibérément choisi de cultiver la joie de vivre.

Je parle de joie de vivre, non de bonheur. Parce que le bonheur me paraît un concept trop chargé d’attentes et d’espoirs déçus. A force d’en parler à toutes les sauces comme l’objectif ultime à atteindre, on finit par voir le bonheur comme un état « stable et durable » qui soit va nous tomber dessus (donc ça ne dépend pas de nous), soit doit être absolument trouvé sous peine de se voir taxer de « coupable de son propre malheur ». Moi, ça me fait fuir. Je préfère parler de joie parce que c’est plus modeste et que je peux même la ressentir fugitivement les jours difficiles, comme un jaillissement, parfois même au moment où je m’y attends le moins.

On dit que la joie est une émotion. Donc, qu’on ne peut pas la contrôler. Je pense pour ma part qu’on peut l’aider à surgir en s’exerçant notamment à penser positivement. Je ne parle pas de devenir des optimistes béats, mais de choisir de voir le côté positif de chaque expérience que la vie nous apporte : être positif, c’est notamment ne pas ressasser les idées négatives, arrêter de se comparer aux autres, être solidaire avec autrui, ne pas se renfermer, ...

J’ai toujours cru que le cerveau se comportait comme un muscle qu’il faut entraîner et qu’en cultivant la joie de vivre, mon cerveau allait se programmer dans ce sens. Or, les dernières découvertes en matière neurosciences semblent me donner raison : nous sommes capables, quel que soit notre âge et notre état de santé, de reprogrammer notre cerveau.

Dans son livre La chaleur du cœur empêche nos corps de rouiller, Marie de Hennezel rappelle toute l’importance de « porter autour de soi la joie et la chaleur humaine dont notre monde a besoin ». C’est devenu un de mes principaux objectifs : cultiver la joie de vivre ET la transmettre autour de moi.

Bref, je crois que la joie est une émotion que chacun d’entre nous est capable de s’exercer à éprouver, que nous sommes tous capables de résilience, et j’espère, par ce bref témoignage, vous avoir donné l’envie d’essayer.

Visitez le blog de Sabine, parsemé de grains de joie : https://grainsdesab.net

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