DOSSIER: Bonheur et résilience

Le bonheur, même si la vie n’est pas toujours facile
Interview de Dominique qui a eu un problème d’oxygénation du cerveau à la naissance qui est mal voyante et porteuse d’un léger handicap moteur et intellectuel.
Par Isabelle LOSSEAU
C’est une femme épanouie de de 53 ans qui me reçoit avec petit gâteau délicieux et tasse de café parfaite ; elle répond gentiment aux questions que je lui pose.
Depuis combien de temps es-tu au Medori, dans ce studio supervisé, et où étais-tu avant ?
Je suis au Medori à Beiti depuis 10 ans et avant j’étais au Chaînon, une maison avec 10 personnes, je revenais à la maison le WE et mes parents et ceux de mon copain organisaient les WE pour qu’on se voie.
Mon copain, je l’ai rencontré à la Ligue Braille où on avait la même activité, mais il était plus mal voyant que moi. On s’est séparés et on ne s’est plus revus mais je téléphone encore de temps en temps à sa maman avec qui j’ai gardé de bons contacts.
Ici, dans ce groupe de 6 appartements, on est vraiment bien, on s’entend tous bien, même si il y a parfois de petites disputes, on s’aide et on a un repas par semaine ensemble.
Mais parfois il y a une résidente, Natacha, qui crie quand elle parle et c’est à moi que les voisins demandent de lui dire de parler moins fort, ce n’est pas facile.
La condition pour être dans ces studios, c’est que on ait une activité à l’extérieur chaque jour.
Ici j’ai un ordinateur adapté avec un grand écran et un clavier avec des grandes lettres bien visibles et j’aime écouter de la musique.
Et quelles sont les activités que tu fais ?
Depuis 2000, j’ai une occupation à Courcelles où je fais de l’informatique sur un matériel adapté, mais les trajets sont longs en train.
A Bruxelles, je fais du « fracophilobraille », c’est de l’art avec des matériaux de récupération et c’est très chouette même si pour le moment on travaille beaucoup parce que l’exposition a lieu bientôt. J’y fais aussi de la relaxation et peut-être pourra-t-on organiser une sortie piscine… ce qui me réjouit parce que j’aime bien l’eau !
Je fais aussi du théâtre et répète pour une pièce qui sera jouée à Ixelles le 13 décembre : « Des fiançailles cruelles ». C’est l’histoire de deux familles ennemies à cause d’un crime et de deux jeunes qui s’aiment. Je tiens le rôle du Commandant Santana.
Le dimanche, je fais parfois du vélo en tandem avec quelqu’un qui voit bien : 60 km sur la journée avec un arrêt collation et un arrêt pique-nique.
Et tu restes toujours en Belgique ?
Oh non, je suis partie cette année au Canada. On était dans un hôtel avec jacuzzi et piscine et on faisait des visites tous les jours. Nous étions en binôme avec chacun une accompagnatrice.
On a visité des parcs, des cathédrales et aussi une association pour mal-voyants qui comporte aussi une université adaptée. C’était intéressant.
En plus l’accompagnatrice était la même que lors d’un voyage précédent en Italie et je l’apprécie beaucoup. Ce fut un beau voyage, même si 7h30 d’avion c’est long.
Ces voyages sont organisés par l’association « Le troisième œil » qui organise beaucoup d’activités qui sont proposées aux résidents. C’est nous qui choisissons nous-même d’y aller ou non.
Quelles sont les aides que tu reçois pour vivre comme tu le fais ?
Nous avons des personnes qui nous aident à nous organiser et qu’on peut appeler quand on a un problème. On a appris à faire la cuisine, sa lessive etc. Nous devons une fois par semaine rencontrer notre superviseuse référente pour voir si tout va bien. Durant la nuit, nous pouvons appeler l’accompagnant de garde si nous avons un problème
Ensuite, Dominique me parle gentiment de ses neveux et de ses parents et conclut : ma vie n’est pas toujours facile, mais je suis heureuse.
Et pour moi, qui l’interviewais, cette rencontre fut un moment de bonheur
Cet interview montre l’importance de mettre sur pied de telles structures. Elles ne sont sans doute pas assez nombreuses et il n’est pas toujours facile de trouver la solution qui convient le mieux, mais dans le cas de Dominique, qui avait déjà appris depuis longtemps à se déplacer dans les transports en commun, sans autre aide que sa canne blanche, cette autonomie acquise dans la vie quotidienne lui donne vraiment une vie la plus normale et épanouissante possible.
Extrait du site du 3ème œil : Depuis sa création en 2008, l’ASBL Le Troisième Œil poursuit le but de sensibiliser, informer et diffuser sur la problématique du handicap visuel et l’aide des personnes non et malvoyantes, afin de leurs offrir une meilleure qualité de vie.
Le Troisième Œil met en œuvre tous les moyens nécessaires pour favoriser l’épanouissement et l’autonomie des personnes non et malvoyantes, à chaque étape de leur vie.
L’ASBL conçoit ses actions dans la perspective d’une société plus juste et égalitaire pour tous.
EXPOSITION PHOTOGRAPHIQUE HAND IN CAP
L’ASBL Le 3e Œil a l’honneur de vous convier au sein du péristyle de la Chambre des Représentants, au Parlement fédéral, pour vous laisser transporter par l’exposition photographique « Hand in Cap », réalisée par l’artiste Djanii Scholt. Celle-ci est située rue de Louvain, 13 – 1000 Bruxelles. Elle est exposée du 18 octobre au 9 novembre et du 26 novembre au 21 décembre 2018. Dominique est une des personnes photographiées.